Pour les entreprises, évaluer correctement la rentabilité des investissements ou comparer plusieurs scénarios de projets de grande envergure (tant en termes de coûts que de temps) est essentiel pour mieux anticiper les risques et prendre des décisions éclairées.
L’une des méthodes utilisées pour s’assurer de la viabilité d’un investissement ou d’un projet important est le calcul du taux d’actualisation qui prend en compte la valeur actuelle et future des flux financiers alloués au projet.
Voyons tout cela dans le détail.
Taux d’actualisation : définition
Le taux d’actualisation est utilisé pour calculer la valeur actuelle des futurs flux monétaires qui vont être investis dans un projet. Cet indicateur financier permet d’évaluer les coûts et les bénéfices potentiels d’un projet, en intégrant dans son calcul le décalage temporel entre les dépenses (principalement engagées avant le début du projet et pendant sa réalisation) et les retours attendus (généralement exprimés en base annuelle).
Plus le taux d’actualisation augmente, plus la valeur actuelle d’un montant futur se réduit, car ce taux reflète à la fois le risque financier de l’investissement et le coût de l’opportunité de l’argent mobilisé. En effet, cet argent ne peut pas être utilisé ou placé ailleurs avant le retour des rendements.
Il est intéressant d’utiliser le taux d’actualisation pour savoir si un investissement est vraiment rentable, comparer la viabilité de plusieurs projets entre eux ou encore estimer la valeur des actifs financiers d’une entreprise. Un taux trop élevé peut potentiellement écarter des investissements utiles. À l’inverse, si votre taux d’actualisation est trop bas, vous pourriez surestimer la rentabilité de projets risqués.
Pourquoi utiliser le taux d’actualisation en entreprise ?
Une prise de décision stratégique facilitée
Le taux d’actualisation permet de comparer les risques encourus avec les gains potentiels d’un projet (comme un investissement ou un achat stratégique). En faisant ce comparatif, le taux d’actualisation aide les entreprises à mieux identifier les projets qui créent réellement de la valeur et à prioriser leurs ressources.
Afin d’affiner leur décision, les entreprises peuvent :
Créer des simulations de scénarios économiques.
Réaliser des benchmarks spécifiques au secteur afin d’améliorer leur compréhension de celui-ci et mieux déceler ses particularités.
Effectuer une analyse de sensibilité pour mesurer l’impact des variations des hypothèses clés sur la rentabilité projetée. Par exemple, vous pouvez effectuer des simulations en changeant quelques variables comme la durée du projet ou les taux d’emprunt.
Intégrer des critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) dans leur évaluation pour anticiper les risques non financiers.
Une meilleure évaluation des risques des projets à long terme
Pour les projets qui s’étalent dans la durée, comme la construction d’une nouvelle usine ou encore le lancement d’un long programme de Recherche & Développement, le taux d’actualisation reflète l’incertitude croissante au fil du temps : plus la date d’échéance du projet est éloignée ou le risque du projet est élevé, plus la valeur actualisée des flux futurs baisse.
De ce fait, le taux d’actualisation constitue un outil essentiel pour évaluer les risques en prenant en compte la volatilité des marchés, l’inflation anticipée et les possibles évolutions réglementaires, ce qui permet de mieux éclairer la décision d’investissement.
Impact sur la valorisation de l’entreprise et la modélisation des flux de trésorerie
Dans les méthodes de valorisation communément utilisées (DCF, EVA), le taux d’actualisation permet de ramener les flux futurs au présent afin de mieux estimer la valeur de l’entreprise. Un ajustement même minime de ce taux peut entraîner de fortes variations dans la valorisation de l’entreprise, ce qui a un impact sur plusieurs éléments :
Les négociations avec les prestataires externes, fournisseurs, clients et potentiels investisseurs
Les levées de fonds
La perception des investisseurs de l’entreprise
Téléchargez votre modèle d'étude de marché
Comment calculer le taux d'actualisation ?
Afin de calculer le taux d’actualisation du cash flow, on utilise le plus souvent le coût moyen pondéré du capital (CMPC ou WACC en anglais). Cette formule se présente de la manière suivante :
CMPC (Taux d’actualisation (r )) = (E/V)×Re+(D/V)×Rd×(1−Tc)
Pas de panique, voici une explication des termes :
E est la valeur de marché des capitaux propres.
D est la valeur de marché de la dette.
V représente ici la valeur totale de l'entreprise (V=E+D), c’est-à-dire sa valorisation sur les marchés.
Re est le coût des capitaux propres, soit le rendement minimum attendu par les actionnaires de l’entreprise. En échange de leur investissement (et du risque inhérent à celui-ci), les actionnaires s’attendent en effet à recevoir quelque chose en retour.
Rd représente le coût de la dette, c’est-à-dire le taux d'intérêt sur la dette.
Tc correspond au taux d'imposition sur les bénéfices.
Exemple de calcul type
Si cela peut paraître complexe, un exemple concret de calcul du taux d’actualisation peut vous aider à mieux en comprendre son application et son utilité dans un contexte réel.
Mettons-nous dans la peau d’une entreprise fictive SaaS qui décide d’investir dans un nouveau data center afin de répondre à la demande croissante pour ses services et améliorer la rapidité de leur logiciel, un CRM basé dans le cloud.
Le calcul du taux d'actualisation permet de savoir si cet investissement, qui potentiellement portera ses fruits dans le futur, est intéressant aujourd'hui.
Pour le calculer, on définit tout d’abord la valeur de chaque terme utilisé dans la formule (que vous pouvez de nouveau consulter plus haut) :
E (fonds propres) : l’argent investi par les actionnaires de l'entreprise représente 60 % des capitaux propres (6 millions d’euros)
D (Dette) : l’argent emprunté par l'entreprise (à des banques ou à d’autres organismes financiers) pour son projet est de 40 % (4 millions d’euros)
V (Valeur totale de l'entreprise) : elle représente la valeur combinée des capitaux propres et de la dette, c’est-à-dire 10 millions d’euros (6 millions (E) + 4 millions (D) = 10 millions d’euros (V))
Re (Coût des capitaux propres) : le rendement moyen attendu par les actionnaires pour leur contribution au projet est de 10 %
Rd (Coût de la dette) : le taux d'intérêt que l'entreprise paie sur sa dette aux organismes financiers auxquels elle a emprunté de l’argent est de 5 %
Tc (Taux d'imposition) : le pourcentage d'impôts payé par l'entreprise est de 25 %
Le taux d’actualisation de notre entreprise fictive est donc de 7,5 %.
Détail du calcul du taux d'actualisation :
(0,60 × 0,10) + (0,40 × 0.05 ×(1 − 0,25))
(0,06) + (0,02 × 0,75)
0,06 + 0,015
0,075 (soit 7,5 %)
Ce taux de 7,5 % permet de calculer la valeur actuelle des revenus futurs que le data center générera. Si cette valeur actuelle est supérieure au coût initial du data center, l'investissement est (potentiellement) bon. Sinon, il pourrait ne pas être rentable.
Par exemple, si les coûts estimés d’un data center sont de 5 millions d’euros et que le rendement annuel attendu sur dix ans est de 800 000 € (donc 8 millions d’euros sur dix ans), alors il faut soustraire à ces 800 000 euros le taux d’actualisation (7,5 %), ce qui nous donne 744 186 €.
La valeur actuelle totale des revenus futurs générés par le data center sur les 10 prochaines années, actualisée à un taux de 7,5 % est donc de 5 491 200 €.
Est-ce un investissement (potentiellement) rentable ? Dans cet exemple, oui, ça l’est ! Le taux de rendement interne du projet est positif et la valeur actuelle générée sur dix ans (5 491 200 €) permet à notre entreprise d’être rentable.
Note importante : dans cet exemple, les revenus totaux générés sur dix ans sont de 8 000 000 €. Notez qu’ils sont différents de la valeur actuelle qui est plus basse car elle prend en compte l’ensemble des critères énoncés plus haut.
Quels sont les principaux types de taux d’actualisation ?
Le taux d'actualisation varie selon l’origine des fonds, le risque du projet et l’objet de l’analyse.
Comprendre les principaux types de taux d’actualisation permet d’appliquer le bon taux et d’éviter les comparaisons biaisées :
Taux sans risque : rendement d’une obligation d’État considérée totalement sûre. Si l’on prête de l’argent à un organisme public (qui appartient donc à l’État), on s’attend à toucher le taux négocié en retour dans le futur. Il représente uniquement la valeur que l’on accorde au temps et sert de point de départ avant d’ajouter des primes de risque.
Taux ajusté du risque : on part du taux sans risque, avant d’ajouter une ou plusieurs primes (marché, pays, secteur, liquidité, etc.) pour compenser l’incertitude propre au projet ou aux flux financiers que l’on étudie. Cette approche est fréquente dans l’analyse coût‑bénéfice publique.
Coût moyen pondéré du capital (CMPC ou WACC) : le CMPC est utilisé pour actualiser les flux de trésorerie opérationnels d’une entreprise afin d’en estimer la valeur. Comme mentionné plus haut dans cet article, c’est l’une des méthodes de calcul du taux d’actualisation les plus répandues.
Taux d’actualisation des flux spécifique à un projet : dérivé du CMPC ou du coût des capitaux propres mais ajusté spécifiquement pour tenir compte d’un risque ou d’un horizon particulier. Ce type de taux d’actualisation est recommandé pour les investissements très différents du cœur d’activité de l’entreprise.
Taux d’actualisation : 7 erreurs courantes à éviter
Le taux d’actualisation est un outil précieux pour vérifier la viabilité d’un projet. Cependant, il existe plusieurs erreurs courantes que vous devriez éviter afin de vous assurer de la fiabilité de votre calcul :
Confondre les taux : attention à ne pas utiliser n'importe quel taux financier (comme le taux d'un prêt ou le taux de croissance) à la place du taux d'actualisation. Seul un taux qui tient compte du temps et du risque est pertinent pour estimer (et comparer) la viabilité d’un ou plusieurs projets.
Oublier ou minimiser les risques : utiliser le taux sans ajouter de prime pour les risques spécifiques au projet (risques liés au secteur, au pays, au manque de liquidité, etc.) est imprudent.
L'impact du temps : appliquer un taux fixe sur 20 ou 30 ans sans vérifier si de petits changements de ce taux auront un jour un fort impact est une erreur courante. Dans votre calcul, prenez en compte l’évolution possible de l’inflation et des taux réels étant donné qu’ils changent la valeur de l’argent futur généré.
Ne pas avoir un taux par projet : chaque projet doit avoir son propre taux d'actualisation. Un projet plus risqué ou financé différemment doit être calculé en fonction des éléments spécifiques à ce dernier, au risque de favoriser des projets risqués au détriment d’autres moins risqués (et même potentiellement plus rentables).
Ne pas mettre à jour son CMPC initial : si la façon dont votre entreprise est financée change au fil du temps (par exemple si elle dispose de plus de dettes ou de remboursements), le CMPC initial ne sera très probablement plus valable après quelques années. Il est important de le mettre à jour afin de s’assurer qu’il corresponde toujours à la réalité.
Ne pas penser aux impôts et aux réglementations futures : ne pas tenir compte des changements futurs en matière d'imposition ou de réglementation (comme la taxe carbone pour le secteur automobile ou des avantages fiscaux dont certains secteurs bénéficient pour booster la croissance) fausse le calcul du coût de la dette et de la prime de risque du projet.
Ne pas tester plusieurs scénarios et variations des taux : il est utile de tester de quelle façon le résultat change si le taux d'actualisation varie légèrement (par exemple de +1 %). Ce changement, même minime, peut complètement changer votre décision d'investir.
Outils et ressources utiles pour le taux d’actualisation
Le taux d’actualisation ne se calcule pas seulement à l’aide de formules. Afin de s’assurer de sa fiabilité, disposer d’outils qui favorise la collecte et l’analyse des données est essentiel pour obtenir des résultats cohérents.
Voici les outils les plus souvent utilisés pour calculer le taux d’actualisation :
Excel/Google Sheets : vous pouvez utiliser des templates et des feuilles de calcul pré-remplies. Ces templates vous permettent de gagner du temps, tout en vous offrant d’autres avantages, tels que :
L’utilisation de formules intégrées (VAN, TRI, tables de sensibilité).
Les tableurs collaboratifs dans Google Sheets ou Office 365 offrent la possibilité à votre équipe de collaborer en temps réel sur le calcul du taux d’actualisation.
Certains add-ons spécialisés comme Analysis ToolPak ou Power Query vous permettent d’automatiser l’importation des données financières dans votre tableur.
Calculateurs en ligne dédiés : il existe des outils gratuits (ou proposés en version freemium) qui vous permettent de calculer le taux d’actualisation CMPC sans avoir à installer de programmes localement sur votre machine. Ces outils vous permettent généralement de paramétrer facilement vos variables et d’exporter vos résultats en CSV ou en PDF.
Intégration dans un CRM ou un ERP : si vous utilisez un CRM ou un ERP pour suivre l’évolution de vos projets et gérer vos finances, vous pouvez, à l’aide d’une API, récupérer automatiquement les flux prévisionnels enregistrés dans le système. L’utilisation d’automatisation des flux de travail vous permet d’actualiser le calcul du taux d’actualisation en temps réel lorsqu'un devis est validé ou qu’un investissement est confirmé par exemple. Enfin, la plupart des CRM proposent des tableaux de bord personnalisables qui vous offrent une vision claire et en temps réel du rendement attendu sur x années.
Pour conclure
Le calcul du taux d’actualisation n’a pas uniquement un impact purement financier : il oriente également les décisions stratégiques et la valeur que l’on accorde au temps et au risque. Bien entendu, cette démarche n’est pertinente que si elle s’appuie sur des données fiables, rigoureusement collectées afin de garantir un calcul fiable.
Le taux d'actualisation constitue ainsi un véritable instrument qui aide à savoir si un projet est rentable en clarifiant la situation actuelle, tout en tenant compte es potentiels risques futurs.